Séminaire – Observer et décrire le réel : pratiques et catégorisations
Université de Technologie de Compiègne (Costech)/ Université de
Picardie Jules Verne (Curapp)
Un vendredi par mois de 10h00 à 13h30
Lieu : : I.M.I., 62 Bd Sébastopol, 75003, Paris, salle Vinci, 2ème étage, pour toutes les séances sauf pour la séance du 4 avril (salle Descartes)
Perception des valeurs
Les récentes réflexions sur le « souci des autres» et les éthiques du care ont réorienté la question de la perception morale vers l’attention au proche, la perception appropriée des situations et sentiments, mais aussi, et à l’inverse, sur l’importance des « perceptions morales hétérodoxes» (Meyers) et des formes de « distance morale» (Diamond). On s’intéressera du même mouvement à certains usages de la méthode phénoménologique qui ont tenté de décrire la manière dont les valeurs se constituent (on pourra ainsi solliciter aussi bien une « phénoménologie expérimentale» que les descriptions proposées par Emmanuel Lévinas, Alfred Schütz – et la liste n’est bien sûr pas close). Les enjeux méthodologiques au coeur du travail sociologique (expliquer, démontrer ou décrire) pourront être abordés à travers l’étude des pratiques de « care» . Enfin, la critique des notions de « valeur absolue» et « intrinsèque» , qui a été amorcée tant par Dewey que par Wittgenstein, pourrait éclairer à nouveaux frais les débats actuels.
Dates : 4 avril, 23 mai, 27 juin, 4 juillet 2008
PROGRAMME DES SEANCES PASSEES
Vendredi 4 juillet :
9h30 – 10h30 : Solange Chavel, (UPJV-CURAPP) « Se mettre à la place d’autrui : la place du point de vue dans le raisonnement pratique » (cliquer ici pour masquer/obtenir les détails)
10h30 – 12h00 : Marlène Jouan, (UPJV-CURAPP) « La perception des valeurs comme reconnaissance : quelques hypothèses sur l’aveuglement moral » (cliquer ici pour masquer/obtenir les détails)
12h00 – 13h30 : Victor Rosenthal, (EHESS-MoDyCo) / Yves-Marie Visetti, (CREA-Polytechnique) « Valeurs, physionomies et modèles de l’expression » (cliquer ici pour masquer/obtenir les détails)
Vendredi 27 juin :
10h – 12h :Jeroen Gerrits (The Humanities Center. The Johns Hopkins University), Sandra Laugier (UPJV – CURAPP) et Paola Marrati (The Humanities Center. The Johns Hopkins University), « Transformations de la perception morale: la série américaine ‘The Wire’ » (partie II) (cliquer ici pour masquer/obtenir les détails)
12h – 13h30 : B. Olszewska, (UTC-COSTECH)/ M. Barthélémy, (EHESS- CEMS) « Espace familial et normes sociales. Comment devient-on une « grande fille » ? (cliquer ici pour masquer/obtenir les détails)
Nous allons aborder le thème de la perception des valeurs à partir d’un court échange entre une mère, Nacera, et sa fille de 5 ans, Ines. Cet échange est provoqué par le projet de celle-ci de se mettre du vernis à ongles, le projet qui se heurte au refus de la mère et déclenche une vive discussion entre elles. Comme on le découvre plus loin, après l’examen de la séquence complète, les enjeux de la conversation dépassent l’usage du vernis pour mettre en avant ceux de la négociation du passage d’une catégorie d’âge (petite fille) vers une autre (grande fille) et, du même coup, des nouvelles possibilités d’action et de devoirs qui lui sont associées. Pour la mère, ce passage signifie plutôt l’engagement de sa fille dans une série d’activités d’aide et la capacité de celle-ci à assumer de nouvelles obligations au sein de la famille. La négociation entre la fille et sa mère se met en place dans le cadre d’une situation spécifique. En effet, la mère attend un troisième enfant, un événement qui n’est pas sans conséquence pour Inès puisqu’il la confirme dans sa place de « sœur ainée » des deux et bientôt trois enfants de la famille.
C’est cette catégorisation là et le partage de sa signification et de sa portée par les protagonistes qui est l’enjeu effectif de cet échange.
Cette courte interaction permet d’aborder la problématique de la perception de certains objets et activités en tant qu’ils sont porteurs de valeurs qui peuvent être liées à une situation particulière dans le cadre familial, et avoir en même temps une portée plus générale, qui est liée aux attentes de conduite sociales. Il s’agit ici avant tout de valeurs éducatives liées au processus de socialisation des enfants mis en œuvre par et dans la famille. Le cas examiné permettra de montrer le rapport étroit qui se noue entre les pratiques situées d’attribution de valeurs, les conventions culturelles et les normes sociales.
Nous analyserons ce processus d’attribution, en nous appuyant notamment sur l’approche de l’analyse des catégorisations initiée par Harvey Sacks. Il s’agit, pour le dire brièvement, d’une analyse du raisonnement pratique par lequel les participants à une situation s’identifient mutuellement en rapport avec les activités dans lesquelles ils sont engagés. Cet échange nous permettra en même temps de montrer que ladite situation prend tout son sens en étant investie par des normes sociales qu’elle convoque en en fixant localement, pour les besoins de l’activité, une signification partagée et univoque. Cette signification est d’ordre pratique au sens où les principes moraux et normatifs qu’elle mobilise servent à objectiver ce qui est dit et fait dans le cadre de cette interaction et à traiter les problèmes qui s’y posent.
Repas
14h30 – 15h30 : D. Cefaï, (Université Paris X-Nanterre et EHESS- CEMS), E. Gardella, Doctorant en sociologie, (ENS Cachan), E. Le Méner, Coordinateur Observatoire du Samu social international, Ch. Mondémé, Master 2 Sciences du Langage, (Université Lyon 2) « Les funambules du tact. Ethnographie de l’aide d’urgence aux sans- domicile» (cliquer ici pour masquer/obtenir les détails)
Nous proposons de décrire la façon dont le principe de l’« aller vers », institutionnalisé sous la forme de l’action publique d’urgence sociale, émerge, s’organise et s’accomplit en situation, en nous appuyant principalement (mais pas uniquement) sur deux dispositifs du Samusocial de Paris : le 115 et les Equipes Mobiles d’Aide. Nous abordons d’un côté des quidams signalant la présence de sans-abri au 115 de Paris, et d’un autre, des professionnels allant à la rencontre de SDF dans l’espace public. Nous voudrions ainsi questionner la façon de décrire deux catégories pratiques qui nous paraissent importantes dans le fonctionnement de l’urgence sociale : le « concernement » et la « confiance ». Autrement dit, comment l’aide apportée aux sans-abri est-elle catégorisée et descriptible ? Ce questionnement s’appuie sur deux méthodologies sensiblement différentes : l’analyse de conversation et la cadre-analyse goffmanienne. L’enjeu est donc à la fois empirique et méthodologique. Empirique d’abord : comment émerge et s’accomplit l’aide apportée à une personne SDF à même la rue ? Méthodologique ensuite : peut-on distinguer des apports propres aux différentes approches descriptives convoquées ? Peut-on identifier des complémentarités entre elles ? Nous aimerions commencer par aborder la question de la perception des valeurs sous l’angle de l’action située, en observant la façon dont les « particuliers » effectuant un signalement au 115 de Paris sont moralement impliqués (Bergmann, 1999) dans l’événement qu’ils signalent. Nous voudrions éprouver l’hypothèse selon laquelle le degré de concernement est profondément inscrit dans la formulation même du « signalement » ainsi que dans l’organisation séquentielle de la conversation entre appelant et « permanencier ». Nous ne nous intéresserons donc pas aux redescriptions fournies a posteriori par les appelants au cours d’entretiens réalisés à l’issue de leurs appels, mais nous tenterons de voir dans la formulation du signalement – sa ‘mise en mots’ et sa place – les signes d’un engagement moral relatif à l’expression d’une perception située (Coulter & Parsons, 2002) ; et ce, en observant en particulier les distinctions de formats perceptifs (entre « j’ai vu » et « il y a ») pour établir nos analyses. C’est sur la base de séquences audio brutes et transcrites, et en mobilisant une méthodologie conversationniste d’inspiration ethnométhodologique que nous soulèverons ces questions. Dans un second temps, nous cherchons à décrire et à caractériser la façon dont la sollicitude, la solidarité ou encore le soin s’accomplissent dans les organisations cherchant à venir en aide à des personnes que les acteurs décrivent comme « désocialisées », ou du moins « en souffrance ». La catégorie de « relation de confiance » apparaît centrale dans la pratique de ces diverses associations, et un enjeu fort de notre travail consiste à décrire ce que signifie, pratiquement, cette catégorie caractérisant une bonne pratique aux yeux des divers acteurs. Nous décrivons ainsi, dans un premier temps, l’activité des Equipes Mobiles d’Aide du Samusocial de Paris de façon naturaliste, sous la forme de « règles pratiques » qui constituent autant des problèmes pratiques et des sources de vulnérabilité sous-tendant cette attention portée aux personnes de la rue, que des façons d’éviter (consciemment ou inconsciemment) des « ruptures de cadre » et donc une fragilisation de la « confiance ». Autrement dit, il s’agit de rapporter la façon dont les acteurs produisent cette « confiance » à partir de la description de leurs gestes récurrents, dont le manquement se manifeste par une forme de sanction interactionnelle, qui peut conduire à une rupture du lien tissé entre l’association et la personne à la rue. La description naturaliste est alors complétée par une comparaison avec d’autres associations qui s’avèrent aussi mobiliser la catégorie de « confiance ». Il apparaît alors que, si la plupart des « règles pratiques » se retrouvent dans l’accomplissement de ces tournées, toutes ces règles ne se retrouvent pas au même degré, si on peut dire. La confiance n’a pas le même sens chez tous les acteurs.
15h30 – 16h30: M.Breviglieri, (Université ParisV, EHESS-GSPM) « Ethnographie du geste de soin et du consentement sans la parole » (cliquer ici pour masquer/obtenir les détails)
Cette étude prend place dans un travail plus large sur l’observation des pragmatiques du geste de soin. Elle s’appuie sur une enquête menée auprès du SAMUSOCIAL de Paris. L’attention s’est plus particulièrement portée sur les usagers (SDF) dont l’état d’épuisement et de délabrement physique ou psychologique semblait considérablement avancé. Il s’agit de cerner, grâce à des méthodes vidéo, comment vient et s’opère un geste reposant pour commencer sur la dualité phénoménale de la passivité et de la générativité et s’inscrivant pour finir à l’horizon d’une éthique professionnelle dont la manifestation s’opère par des formes relativement subtiles de tact. Que ce tact cherche à orienter l’usager vers le consentement mutuel est une pièce fondamentale de cette éthique que nous chercherons à éclairer.
L’enceinte judiciaire est traditionnellement présentée comme le lieu de mise en œuvre du syllogisme judiciaire, par le biais duquel une règle de droit trouve à être appliquée aux faits qui sont présentés au juge. La critique philosophique de cette façon de considérer l’activité judiciaire a déjà été faite, par Jacques Lenoble, François Ost et Michel van de Kerchove, entre autres. En revanche, l’exploration des modes pratiques de production du raisonnement juridique est restée largement négligée. C’est pourtant au niveau du détail d’une activité institutionnelle, toujours contextuelle et singulière, que trouvent à se déployer l’ensemble des pratiques concourant à produire des faits et des règles satisfaisant aux exigences de correction procédurale et de pertinence juridique. On peut observer ici la nature à la fois interactionnelle et contrainte de l’élaboration du récit des faits de la cause et du droit qui lui est applicable. Interactionnelle, dans la mesure où les différents protagonistes négocient en permanence statut, rôle, agence et culpabilité, en s’appuyant constamment sur des attentes d’arrière-plan à chaque fois actualisées. Contrainte, parce que cette négociation s’inscrit dans un cadre institutionnel, reconnu pour tel par les acteurs, qui prédéfinit largement les règles du jeu et la position de chacun dans celui-ci. Cet article entend faire l’analyse de la pratique du syllogisme judiciaire tel qu’il a été mis en œuvre à l’occasion d’une affaire ayant conduit cinquante-deux présumés homosexuels devant la justice égyptienne. Plus particulièrement, l’article s’intéresse à la négociation des catégorisations de l’homosexualité, telle qu’elle ressort de l’interrogatoire du principal accusé dans cette affaire, catégorisations qui, par la description en termes de morale ou de nature qu’elles opèrent, attachent une série de conséquences contrastées au comportement incriminé et justifient dès lors une réponse juridique radicalement différente.
Vendredi 23 mai :
10h – 12h : Sandra Laugier (UPJV – CURAPP) et Paola Marrati, (The Humanities Center. The Johns Hopkins University.), « Transformations de la perception morale: la série américaine ‘The Wire’ » (cliquer ici pour masquer/obtenir les détails)
12h – 13h30 : Patricia Paperman (Paris 8, EHESS-CEMS), «Indifférence et indifférenciation»
Vendredi 4 avril :
10h – 10h30 : Introduction, B. Olszewska et F. Sebbah
10h30-12h00 : Ch. Lenay (UTC, Costech) et F. Sebbah (UTC-Costech), « Croisement perceptif : ce qui nous touche» (cliquer ici pour masquer/obtenir les détails)
12h00-13h30 : M. Pavlopoulos (Université Paris 1, Execo): Après l’effondrement de la dichotomie fait/valeur : Quelle psychologie de l’action ? Quelle réalité pour les valeurs ?
(cliquer ici pour masquer/obtenir les détails)
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